Jusqu’à présent, je me gargarisais du fait que j’étais hyper au point sur la commande-type en taverne : je distingue les poissons (ψαρια, psaria) comme l’anchois (γάυρος, gavros), les sardines (σαρδελεσ, sardeles) ou les rougets (μπαρμπουνια, barbounia) des autres fruits de mers (au sens large, θαλασσινα, thalassina) comme le poulpe (χταπόδι, xtapodi), les crevettes (γαρίδεσ, garides) ou les calamars (καλαμαρια, kalamaria). Aujourd’hui j’apprends brutalement que le poisson ne se dit pas seulement ψαρι mais aussi ιχθυσ (ichtus), réduisant ainsi à néant toutes mes connaissances de vocabulaire établies à grand-peine.
Ce ιχθυσ, je l’ai découvert au Musée Byzantin et Chrétien, l’un des nombreux musées d’Athènes mais dépourvu de l’aura qui entoure celui de l’Acropole ou le Musée Archéologique National. Avantage non négligeable, la foule y est beaucoup moindre et nous avions donc les salles pour nous. Je l’ai visité très récemment et il s’est révélé extrêmement intéressant en plus d’être, surprenamment, très grand ! Ne nous leurrons, il ne faut pas être allergique à l’icône car celle-ci est bien présente mais il n’y a pas que ça. L’on y apprend que la période gréco-romaine laisse sa place à l’ère byzantine par « simple » déplacement de la capitale, initialement Rome, vers l’est à Byzance ou Constantinople, autrement dit l’actuelle Istanbul dans une période où les principales menaces venaient de l’Orient.
Dans ce musée, on assiste à l’émergence du christianisme qui se fait entre le 2e et le 4e siècle. Pour communiquer entre croyants de façon discrète, le symbolisme restait le langage le plus sûr pour ne pas se faire repérer. Je savais le poisson être un symbole majeur du christianisme que je reliais, à tort peut-être, à la pêche miraculeuse à l’origine de la vocation des apôtres Pierre, Jacques et Jean. Ici, par le biais d’une petite lampe en argile en forme de poisson, on apprend que le mot poisson, ιχθυσ (ichtus), est l’acronyme de l’expression « Ιησούς Χριστός Θεού Υιός Σωτήρ » (Jésus Christ, fils du Dieu sauveur) d’où sa prédominance dans les représentations religieuses. En plus de cette rustine sur ma culture chrétienne, j’ai aussi appris que la Vierge a souvent des chaussures rouges car c’était le pigment le plus cher à produire à cette époque. Et si, par le plus grand des hasards, je devais choisir une icône, je choisirais, en toute connaissance de cause, une icône catholique reconnaissable aux visages colorés et apaisés aux icônes byzantines, beaucoup plus austères, aux visages graves dans lesquels les yeux et le front, symboles de l’esprit occupent tout l’espace.
Tout ça pour vous dire que le Musée Byzantin et Chrétien vaut largement le déplacement, ne serait-ce, pour les muséophobes, que pour son petit café qui donne sur les jardins.
PS : les puristes me feront remarquer que mon alphabet prend des libertés avec l’ordre établi puisqu’il devrait y avoir en lieu et place de ce billet une digression sur le η (eta) mais les deux sont des sons « i » alors on ne va pas chipoter non ? 😉