Quand j’étais petite (enfin un peu plus que maintenant), j’habitais une maison qui regardait des montagnes à l’horizon. Les prés blanchissaient là-haut, je savais que ce serait peut-être bientôt notre tour, à nous qui habitions la plaine, que la neige viendrait poudrer notre petit jardin dans lequel le chat marcherait, à son corps défendant, sur le bout des coussinets. Parfois nous partions au ski, glissant dans les forêts aux arbres scintillants ornés de bijoux de glace. Le froid, l’odeur de neige fondue, les mains engourdies et la goutte au nez, ce n’était déjà pas trop mon truc. Je ne manquais pas une occasion de me défiler et j’y gagnais une après-midi de pur bonheur. Seule, la maison toute à moi, l’escalier en bois qui craquait pour monter dans ma chambre. J’y avais aménagé un petit cocon, à l’opposé de la porte mais caché par le lit à la couette aux motifs nuages. Le dos calé contre le radiateur en fonte qui chauffait au rythme des cycles de la chaudière qui ronronnait à la cave, un coussin pour rendre la moquette couleur lie-de-vin plus confortable, une petite lampe pour y voir clair et je partais en voyage. Je lisais, je lisais, je lisais dans ma bulle tiède jusqu’à ce que l’obscurité ou le froid ne m’incommodent trop. Je me rappelle avoir visité le fond des mers avec Jules Verne, être montée dans des calèches avec Maupassant ou avoir voyagé en Méditerranée avec Ulysse. Les livres étaient mes objets les plus précieux et j’allais régulièrement en exhumer certains de la bibliothèque de la maison des grands-parents, ils sentaient un peu la poussière mais derrière les pages piquées d’humidité se trouvaient d’autres horizons et d’autres temps. Lorsque mes parents rentraient, les bruits familiers de la maison me ramenaient à la réalité et je quittais les lignes à regret, attendant avec impatience la prochaine parenthèse enchantée qui me permettrait de retrouver mes meilleurs amis, mes compagnons de voyage intérieur, peut-être une annonciation de ce que seraient mes voyages ultérieurs.
La lecture est la clé qui ouvre sur le monde… Merci d’avoir partagé ce joli chapitre de ton histoire.
Jolie formule ! La force des mots toujours…