Morning Bliss

Par l’entrebâillement des rideaux, j’aperçois les pseudos-tours à vent des bâtiments qui sont de l’autre côté de la rue et derrière eux le ciel encore gris pâle de la nuit qui laisse sa place au jour. Pas un nuage évidemment… Les yeux encore embués de sommeil, j’attaque le pensum du matin et le remplissage des 3 lunch-boxes. Les boîtes, le fruit, la serviette, la fourchette, surtout ne pas oublier la fourchette pour qu’ils puissent manger dignement, la gourde. Les enfants papotent en prenant le petit-déjeuner puis chacun regagne ses pénates pour finir de se préparer, vite, vite avant que le school-bus n’arrive. Dans la cuisine, chaque chose reprend tranquillement sa place, un thé chaud et fumant attend que le calme revienne avant d’être dégusté. Le king boy réclame 5 min d’iPad avant le départ. Nous cédons comme toujours, prisonniers de cette petite habitude qui avait permis, en son temps, de faire cesser les larmes de la séparation due à l’école. Sur le téléphone, l’alarme qui signale l’arrivée du bus retentit. Des pas pressés résonnent dans l’escalier, des petites et des grandes mains attrapent au passage les lunch-boxes qui patientaient, les cartables sont hissés sur le dos. Dehors, l’air désormais plus frais nous surprend. « Il fait froid Maman, comme chez Mamie A. » me dit le petit en serrant ses bras autour de lui. Je souris, il doit faire seulement 25°C ! Un dernier bisou pour lui, un au revoir vite fait pour les grands (trop la honte, le bisou) et le bus jaune les emmène loin de moi pour quelques heures, vivre leur petite vie régulière d’écolier. Enfin le plaisir solitaire du thé, la lecture de la feuille de chou locale distribuée à la porte et puis la maison qui redevient silencieuse, mienne uniquement jusqu’au retour des enfants, un enclos de murs dans lequel il est si facile de rester mais si nécessaire de quitter pour garder une vie sociale. Mais l’ouverture aux autres ne sera pas pour ce matin. Un tee-shirt et des baskets (celles avec les lacets avec les coeurs), mon casque sur les oreilles, je règle ma montre et je pars tester ma foulée dehors. Le soleil brille mais l’ombre est encore bien présente dans les rues du quartier. Je fais s’envoler quelques oiseaux en passant sous les arbres. Je ne me lasse pas des bougainvillées éclatants et des frangipaniers odorants. Au détour d’une rue, je tombe sur un carré de pelouse qu’on dirait sorti d’un golf, j’aimerais m’y coucher pour en admirer la douceur et le moelleux mais mon appli RunKeeper me rappelle au devoir sportif et ma raison au sens de la propriété privée. Plus loin, ce sont des pintades qui croisent mon chemin, non pas des expats manucurées et botoxées mais bien des volatiles au plumage pommelé qui ont dû faire le mur du poulailler. Au fur et à mesure de mon parcours, je rase les murs pour éviter la morsure du soleil, de-ci de-là, des passages ensablés freinent ma progression et font tirer les muscles. Il fait chaud, je me dis que la prochaine fois, je partirai plus tôt mais je sais bien que je n’y arriverai pas et que courir avant que les enfants ne soient levés n’est qu’une possibilité barbare et surtout utopique. Je me console en me disant que le climat est passé de « insupportable, on crève de chaud, aurais-je la tête dans un four ? » à « dis donc c’est super agréable de se promener en fin de journée avec ce petit air frais qui nous chatouille le visage » et que d’ici peu, je frissonnerai les bras nus dans la lumière douce du matin. Le contrat moral est rempli, les kilomètres ont été avalés, certes sans performance mais avalés tout de même, et la bouteille est vide. Une douche plus loin et figure humaine reprise, la vraie journée commence, je me mets devant mon ordinateur, le regard perdu dans le paysage visible de ma fenêtre : « Par l’entrebâillement des rideaux, j’aperçois les pseudos tours-à-vent… ».

 

 

Cet article a 3 commentaires

  1. elisabeth

    Toujours un plaisir de lire!

  2. Aurore

    Rhohoh c’est ballot ! C’est exactement le même commentaire que j’allais faire, c’est toujours un réel plaisir de te lire ! qu’est ce que tu écris bien !! Continue !
    Bises

  3. Mots d'ici et d'ailleurs

    Je suis toute rouge les filles …. Merci !

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