Revendications légitimes

À l’attention de la Direction des Ressources Humaines,

Madame, Monsieur,

Je prends aujourd’hui la plume au nom de mes collègues et moi-même pour vous exprimer notre sentiment général quant à notre situation professionnelle et nos conditions de travail. Pour mémoire, je rappelle l’intitulé initial du poste : « une haute autorité archéologique recherche des candidates âgées de plus de 18 ans, en bonne condition physique. Le poste implique une fonction de représentation en lien avec le public, dans un site exceptionnel. Aucune expérience n’est requise. Vêtements et objets personnels seront interdits durant les heures de travail pendant lesquelles tenue et attitude devront être irréprochables. Un uniforme adéquat sera fourni en fonction des mensurations des salariées. Sécurité de l’emploi assurée. »

Force est de constater que cette dernière expression n’a pas été employée à tort mais en revanche elle s’accompagne d’un immobilisme tout à fait regrettable. Depuis notre prise de fonction, il a été, malgré nos demandes répétées, impossible d’évoluer professionnellement. Renseignements pris auprès du Syndicat Culturel, nous avons été informées qu’il n’en était pas de même pour certains corps de métier occupés par des hommes, tels que les Evzones. Serait-ce notre statut de femmes qui nous contraint, bloquées que nous semblons être sous un plafond de verre aussi lourd et immuable qu’une dalle de marbre ?

Nous sommes heureuses d’être au service de notre public et faisons de notre mieux pour le satisfaire. La foule quotidienne et les multiples retours enthousiastes des touristes en sont la preuve frappante. Malgré ce soutien sans faille, la direction a toujours rejeté nos requêtes pour une pause médiane indispensable pour aller chercher un frappé et/ou rompre la monotonie de notre fonction. Sachez que le burn-out n’est pas une invention de psychiatres en mal de finance et que s’il nous faisait vaciller l’une des collègues, un mythe pourrait bien s’écrouler.

Par ailleurs, la pénibilité au travail a, depuis toujours, été niée par la direction. L’attitude « irréprochable » attendue de notre part et que nous nous engageons quotidiennement à honorer occasionne de sévères douleurs cervicales agravées par la position verticale et statique que l’on nous impose. De plus, nous sommes soumises aux aléas climatiques de façon récurrente et endurons la pluie et le froid de l’hiver tout comme la chaleur écrasante de l’été. Nos prédécesseures bénéficient quant à elles d’un traitement de faveur car elles officient désormais en intérieur. Vous nous opposerez certainement leur ancienneté dans la fonction mais sachez qu’en cas de problème de santé majeur, le retrait de l’une d’entre nous risquerait de faire s’effondrer l’édifice déjà largement affecté par les années.

Enfin, l’uniforme qui nous est fourni frappe par sa désuétude, bien loin des standards actuels de la mode, et par son manque de confort du fait de son étoffe particulièrement rigide. Il nous semble être à la limite de la décence à l’heure où certains s’offusquent à la vision d’un string dépassant du jean. En effet, le tissu permet une vue imprenable sur certains de nos attributs physiques ce qui nous vaut de la part du public des réflexions parfois déplacées sans même parler des coups de soleil récurrents ou des engelures hivernales. Lasses de contibuer de façon involontaire à l’éveil des sens des adolescents ou des pervers, nous réclamons donc un nouveau look plus couvrant dans une coupe plus moderne. La Grèce regorge de jeunes créateurs qui ont, et c’est heureux, rangé la toge antique, au placard !

En espérant que vous entendrez nos revendications et y répondrez de manière satisfaisantes, nous vous adressons nos salutations les plus antiques,

Signé

Les Cariatides

Cet article a 2 commentaires

  1. Tara B.

    Tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais !
    Bravo pour ce texte drôle et habile, un vrai régal à lire.

    1. Expatographies

      Merci Tara ! Tu trouves encore le temps de lire les blogs entre tes 3 beautés ???? Bravo la super maman !

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