6h25 : j’émerge péniblement fraîche comme un poulpe alerte pour lever les enfants.
6h30 : je commence mon auto-motivation pour aller faire un peu d’activité physique dans la salle de sport où j’ai eu l’imprudence de me faire entraîner. J’ai pas envie, j’irai demain (ou après-demain).
6h31 : je vois mon postérieur dans le miroir en pied. Bon, elle ouvre à quelle heure cette salle de sport ?
6h40 : Pain grillé ? avec du beurre et de la confiture ? Je me projette 9 min en arrière et je décide de prendre du muesli avec un yaourt et un fruit. Je suis fière de moi, mon petit-déjeuner est extrêmement sain.Je suis à deux doigts de le prendre en photo pour le mettre en photo sur Instagram. Je goûte et je contaste que je déteste toujours autant le muesli. Les enfants m’informent que les principes éducatifs que je leur ai imposés impliquent que je finisse sans rechigner ce bol.
7h10 : j’en suis péniblement à mon 3e flocon d’avoine sous l’oeil scrutateur de ma progéniture mais heureusement celle-ci part prendre son bus scolaire. Une fois la porte refermée, je vire le muesli et je me jette sur les tartines comme un touriste sur sa moussaka.
7h30 : j’envoie un 8e whatsapp aux copines pour vérifier que je ne serai pas seule dans cette galère. Pas de raison que je sois la seule à me presser le citron dans la douleur. Elles confirment que nous serons solidaires dans l’adversité musculaire.
8h30 : après avoir vaqué à des occupations domestiques passionnantes, j’enfile mes baskets. Je prépare mon sac : petite serviette ; gourde (non je ne parle pas de moi) ; tapis de sport .
8h45 : j’atteins le club de sport. Des gens très motivés courent sur des tapis, des dames très maquillées font de l’elliptique, des monsieurs très musclés font des mouvements barbares derrière des machines sur lesquelles je n’imagine même pas dans quel sens il faut s’y mettre. Je décide de ne pas commencer trop brutalement et me dirige doucement (faudrait pas que je me fasse un claquage) vers la grande salle de cours.
8h56 : il y a là un poulailler en folie une horde de dames d’un certain âge, toutes grecques qui se racontent visiblement beaucoup de choses très intéressantes mais très très fort. Heureusement avec nos 29 ans, nous faisons descendre la moyenne d’âge. Par la vitre, nous suivons les évolutions du cours de zumba en pleine action et les difficultés de coordination évidentes d’une dame au fond. Je décide de compatir suite à mon expérience personnelle du dramatique manque de communication qui existe entre mes propres bras et jambes dès lors qu’il s’agit de se mouvoir rythmiquement selon une chorégraphie.
8h59 : le cours de zumba se termine, les sauvages dames se jettent dans la salle pire que des poules sur une volée de maïs pour réserver le meilleur spot et un tapis (héhé, j’ai bien fait de prendre le mien qui en plus ne contient du coup que MA sueur). Au péril de ma vie, je me jette dans la mêlée pour récupérer des ballons. Les aguerries choisissent le leur en fonction de sa pression. Je fais semblant de faire comme elles mais en fait je prends juste le premier qui vient. Les poules sont au poulailler, les dames sont installées mais elles ont toujours autant de choses à se raconter, et toujours TRES fort. La prof réclame le silence, non sans mal. D’un coup, je prends conscience d’un écueil de taille : elle parle grec, et juste grec.
9h02 : les poules ont enfin le bec fermé, les dames se sont tues. La prof a fait un long speech. Pour ne pas la contrarier, nous avons consciencieusement acquiescé et j’ai mobilisé toutes mes connaissances linguistiques pour un résultat quasi-nul. J’ai finalement cru comprendre qu’elle demandait s’il y avait des débutantes et je me suis manifestée, espérant la clémence de sa part. Aucune réaction. C’est normal, vu que je n’ai pas piétiné de la poule au début du cours (visiblement la phase critique) je suis derrière le pilier… La prof ne me voit pas et je ne vois pas la prof… Le cours en grec et sans distinguer les mouvements, c’est pas gagné…
9h15 : Je suis sûre que l’infarctus de l’adducteur existe. Je décède en silence et je ne suis pas la seule, c’est calme plat au poulailler.
9h30 : je suis trop contente, je sais désormais dire « inspirez » et « expirez » en grec.
9h32 : mes cours de grec n’auront pas été vains. Je me débrouille trop facilement avec les instructions « Point » et « flex » (sic). Si ça se trouve, en plus d’être musclée, je vais ressortir bilingue grec/pilates.
9h40 : je n’ai rien compris à l’exercice que la prof vient d’expliquer. Je copie sur les poules d’à côté. J’ai mal, je souffre.
9h42 : je viens de me faire gauler par la prof. Les poules font n’importe quoi et donc moi aussi. Elle finit de m’expliquer en anglais de sombres histoires de « glut » qu’il faudrait que je contracte et je parviens à faire le mouvement correctement.
9h43 : je viens de faire un AVC des fessiers.
9h55 : les poules sont bien calmées. La plume est terne et l’abdo endolori.
10h00 : après la fin des opération et acclamation de la volaille, une nouvelle horde sauvage attaque. À peine le temps de retirer mon tapis que des dindes hystériques prennent ma place, en me poussant presque dehors. J’envisage un instant de répliquer vertement mais deux considérations émergent alors brutalement : 1) la dinde est exclusivement hellénophone ce qui réduit à néant toutes mes tentatives de communications, même vindicatives; 2) la dinde a pris des haltères, très lourdes… Je préfère ne pas rentrer dans une confrontation violente stérile et je quitte le terrain.
10h02 : je parviens à peine à descendre l’escalier, j’ai les « gluts » tout raides… Les poules, elles, cancanent toujours TRES fort et gambadent aisément… soit elles sont très fortes, soit elles ont super mal fait les mouvements et ce bien qu’elles comprennent les instructions, ELLES ! Je penche pour la deuxième solution et décide que ce sont rien que des feignasses du croupion alors que moi, j’aurai les « gluts » (bientôt) très musclés…
Bref, j’ai suivi mon premier cours de Pilates en grec, un vrai travail d’Hercule ce truc !
Ton article me conforte dans mon morning walk matinal et la chasse aux tortues de ma toutoune… le bon air et la montée provoquent moins de décès des parties charnues 🙂
Mes parties charnues sont effectivement mises à rude épreuve et pas en plein air en plus !
Sylvie, encore une fois, bravo !!! Pour frequenter depuis des annees les salles de gym, et parlant grec -a cause des memes annees!- je trouve ta description des poules et du poulailler tres « acurate » et j’ai beaucoup ri 🙂 ne t’en fais pas pour tes aducteurs et tes fessiers, leur aspect et leur fermete vont bientot recompenser tes efforts, et quant au p’tit dej tu devrais remplacer les muesli et autres cereales par des proteines, ca augmentera et ta resistance et ta masse musculaire, en faisant fondre tout eventuel bourrelet disgracieux 🙂 mais n’oublie pas l’essentiel : quelle que soit le niveau de deplaisance de cette premiere experience, persiste !!! Au fait… dans quel gymnase vas-tu?
Merci Agnès !
Moi, (french) poule (sur le tapis à ta droite…!) je salue ton effort (physique autant que rédactionnel!), et ne suis pas peu fière d’avoir participé à l’aventure…
On remet ça quand???
Ma poule, tu t’es très honnêtement débrouillée dans ce contexte hostile et on remet ça très bientôt (enfin dans pas trop longtemps quoi…)
Ou est passé le jogging matinal!
Bah ce n’était pas les marches qui….
Merci Sylvie
Do keep on enjoying!
Et en grec , cela donne quoi!
C’est en plus du footing matinal 😉 Grosses bises à vous
Bravo Sylvie pour ce tableau si vivant et animalier!!! J’ai beaucoup ri tu devrais essayer plutôt un combat de coqs la prochaine fois…. bien que tu risques d’y laisser tes plumes….
Des coqs il y en a aussi… Ils sont moins bruyants, plus musclés et plus jeunes, d’autant plus intéressants donc (;-_)