Depuis notre arrivée en Suisse, je m’adapte au mode de vie local. Comme on est en été, la fondue n’est pas encore d’actualité, quoique ce ne soit pas nécessairement un frein pour les Suisses, alors à la place, nous essayons d’aller régulièrement randonner. Loin de moi l’idée de transformer cet espace en blog sportif parce que le contenu serait encore plus famélique qu’il ne l’est déjà. Parfois, cependant, certaines randonnées sont plus marquantes que d’autres. Celle du dernier week-end le fut à plusieurs titres. Elle nous a menés au dessus d’Ovronnaz, à Jorasse, c’était le tour du Grand Chavalard dans le Valais.
Un circuit en boucle avec panoramaS
Ma pratique de la randonnée, assez modeste en toute objectivité, est associée à un goût de l’effort totalement assujetti à une récompense, en digne héritage judéo-chrétien. Par conséquent une randonnée réussie est 1) une boucle et 2) un panorama avec vue. Je ne suis pas exigeante, un petit 360° sur le lac Léman et je suis contente. Mais ici, ce n’est pas un panorama mais DES panoramaS qui se sont offerts (au prix de quelques montées tout de même) tout au long du Tour du Grand Chavalard qui, comme son nom l’indique, est une boucle. Depuis Ovronnax, on emprunte le télésiège, très exotique quand on n’a pas de ski aux pieds jusqu’à Jorasse, une bonne manière de s’éviter quelques centaines de mètres de dénivelé. On rentre ensuite dans le vif du sujet par une montée sans grand intérêt mais qui progressivement laisse apparaître en fond la Tête Séri qui domine du haut de son pierrier. Et puis, là, paf, on se retrouve dans le cirque d’Euloi, avec ses prés marécageux, les papillons Azurés qui butinent partout. La géologie est tourmentée, les strates s’emmêlent, dominées par des dents rocheuses qui se découpent sur le ciel bleu. Premier panorama ✅.
Vu le terrain, herbeux et rocheux à la fois, je suppute de la marmotte et la recherche visuelle de ces bestiaux me donne de nombreux prétextes d’arrêts pendant la montée vers le col de Fenestral. Je suis récompensée de mes efforts par la vue d’une sympathique bestiole qui fait le show pendant plusieurs minutes (Hiii, une marmotte) et nous nous félicitons d’avoir pris les jumelles pour les observer sans les déranger. Après avoir laissé souffle et cuisses dans l’ascension, on arrive au col, à 2453 m et là re-paf, je n’étais pas prête : d’un coup se dévoilent le massif du Mont-Blanc en face, le seigneur lui-même tout découvert, le lac supérieur de Fully, bleu profond, à ses pieds. Il y a aussi une cabane du ski-club et quelques tables extérieures. Deuxième panorama ✅. Nous y avons pris notre best picnic with view ever, assis dans l’herbe en nourrissant au vol quelques choucas.
Hiii, des marmottes
On longe ensuite le lac (annoncé à 9°C, on n’a pas testé) qui est un lac de barrage puis, un peu plus bas, le deuxième lac de Fully, nettement moins engageant. Ici, le chemin traverse des prés avec des vaches qui meuglent et surtout de des marmottes en quantité. Nos arrêts sont fréquents pour observer les jolies grassouillettes. Nous paierons un peu plus tard ce (joli) temps perdu. C’est à ce moment que je m’aperçois d’un détail notable sur ma chaussure gauche dont la semelle est en train de totalement se désolidariser du reste du pied. En ingénieurs ingénieux que nous sommes, nous utilisons l’un de mes lacets pour ramener la perfide à sa position initiale. L’extrémité de mon pied est maintenant comprimée mais je risque un peu moins le vol plané.
C’est ensuite la montée à flanc dans le pierrier du Grand-Chavalard, nettement plus minéral que ce nous avons fait auparavant. Curieusement, à cet endroit, pas particulièrement accueillant, ni sécurisé, nous avons croisé de nombreuses familles avec des touts petits qui rechignaient un peu parce que la montée pique un peu quand même. Après avoir bravement sué au milieu des cailloux, re-re-paf, on tombe sur la plaine valaisanne, le Rhône qui serpente en bas, les montagnes qui surveillent les champs en damier. Troisième panorama ✅.
On est bien peu de choses
Surveillé par les rochers du Grand Chavalard en pleine golden hour, il est alors temps de nous retourner vers notre point de départ. A ce stade, nous avions encore espoir d’attraper le télésiège de retour et nous accélérons le rythme. Celui-ci est cependant mis à mal par les (trop) nombreuses petites mais exténuantes montées qui nous ramènent vers Jorasse en contournant le Grand-Chavalard. Et puis, là, catastrophe, abandon définitif du matériel, ma deuxième chaussure décède des mêmes symptômes de la précédente. Même traitement administré. j’ai donc désormais mal aux deux pieds. Nous abandonnons l’idée d’attraper le télésiège avec mes deux pieds semi-bots mais devons quand même rejoindre le Lui d’Août. Ici, plus de marmottes mais des vaches amicales qui me lèchent les mains et un groupe de randonneurs, en route vers je ne sais quelle cabane pour y dormir. C’est là dans l’herbe, heureusement douce, du chemin que l’un de mes lacets, forcément mal ajustés rapport à la réparation, s’est pris dans une boucle de l’autre chaussure et que j’ai chu, sans aucune dignité, ni grâce, devant un large public bovin et humain composé au bas mot d’une trentaine d’individus, toutes espèces confondues. Si ce n’est ma fierté, il n’y a pas eu de mal. La randonnée, ça apprend l’humilité en plus de se muscler les cuisses.
Nous ne sommes plus très loin du fameux télésiège mais il est définitivement trop tard, il ne nous reste plus qu’à descendre à pied vers Ovronnaz en empruntant la route forestière, nettement moins fun que le télésiège avec vue. Mes genoux hurlent à la mort d’appréhension et mes semelles en rigolent d’avance. Heureusement, j’avais prévu le coup et quelques podcasts ont permis de rendre ces 45 min supportables. A l’arrivée à la voiture, j’ai retiré les chaussures traitresses et leur ai promis un vilain avenir, à l’image des avanies qu’elles n’avaient fait subir. A l’heure actuelle, elles ont rejoint la poubelle et leurs remplaçantes attendent leur inauguration.
Au final, nous avons tous adoré cette randonnée avec de magnifiques paysages et des marmottes (hiiii). C’est l’une des plus belles que nous ayons faites jusqu’ici. Il est fort probable que l’on retourne dans ce coin pour vérifier si la malédiction de la chaussure y est encore présente ou pour y voir le Gypaète barbu qui ne nous a pas fait l’honneur de sa présence.
Le circuit du Tout du Grand-Chavalard
🚗Parking : télésiège d’Ovronnaz (départ de la station de ski)
🥾Distance : avec télésiège, 15km (Quand on rate le télésiège de retour à 17h, on passe à 20 km).
🕖Durée : 5h hors pause.
📈 Dénivelé : 850 m d+
⛰️Circuit : chemin 220 (« La Suisse à pieds »). Départ de Jorasse – Petit Pré – Grands prés et Cirque d’Euloi – col de Fenestral – Lacs de Fully – Lérié – Lui d’Août – Petit Pré – Jorasse (si on rate le télésiège, on pleure puis on descend de Petit Pré à Ovronnaz par la route forestière). Tous les détails sur SuisseMobile. Inspiration grâce au « Guide des randos panoramiques » de loisirs.ch.