L’expatriation au féminin

Photo Delphine DubaiIl faut bien l’avouer, la femme expat’ est fantasmée par beaucoup. Ne nous méprenons pas, ce n’est pas sur son physique que cela porte mais bien sur sa vie : oisive, plus rapide à dégainer la carte bleue garnie par son richissime mari que Lucky Luke son revolver, un agenda débordant de cafés avec ses copines et de manucures pour faire la belle dans les malls, passant plus de temps à faire du sport qu’à lire des livres ou éduquer ses enfants laissés aux bons soins de ses domestiques… Bref, tout un ramassis de clichés dont je veux bien être la première à rire mais qui sont loin d’être, et c’est heureux, une réalité tangible et une généralité. Heureusement Delphine remet quelques pendules à l’heure dans son livre « L’expatriation au féminin ».

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Delphine, je l’ai rencontrée à mon arrivée à Dubai grâce à la recommandation d’une amie (merci C. !). Elle est, comme moi et beaucoup d’autres, ce qu’on appelle une femme d’expat’, une femme qui a suivi son conjoint dans sa mobilité professionnelle. Quinze ans d’expatriation dans 5 pays (Chine, Japon, Espagne, Allemagne et Emirats Arabes Unis) lui ont fourni le matériel pour écrire un guide sur l’expatriation au féminin, un ensemble de réflexions et de conseils destinés à celle (mais aussi celui, pourquoi pas, car cela arrive aussi de plus en souvent) qui se lance dans cette expérience de vie très particulière qu’est l’expatriation et sans en être, au départ tout du moins, le moteur principal c’est-à-dire le soutien financier. Parfait pour celles qui se lanceraient dans l’aventure d’une première expatriation. Comme Delphine a déjà fait beaucoup d’interviews, je lui ai plutôt demandé de réagir à 5 phrases ou expressions et de nous proposer 5 conseils pour bien se lancer dans son expatriation.


1. « Trailing spouse »
, c’est le terme anglais pour décrire le conjoint d’un(e) expatrié(e), le conjoint qui suit voire même, très littéralement, le conjoint à la traîne. Que t’inspire cette expression ?

Le terme anglais est en effet un peu rude ! En même temps, le terme « femme d’expat » n’est pas tellement plus valorisant. Ces expressions sous-entendent une passivité qui est loin de la réalité des femmes expatriées, tant les challenges de reconstruction de repères (pour soi-même comme pour le reste de la famille) et de recherche d’un nouvel équilibre sont grands. Ces étiquettes ont aussi tendance à cantonner ces femmes dans l’ombre de leur mari. Dans les faits, le rôle de la femme d’expat est déterminant dans la réussite d’une expatriation, dans la mesure où c’est essentiellement par elle que passe l’intégration de la famille dans un nouveau pays. Enfin, de plus en plus de femmes qui suivent leur conjoint pour des raisons professionnelles retrouvent du travail ou se lancent dans l’aventure de la création d’entreprise. A nous de plancher pour trouver des expressions plus appropriées !

 2. « Le blues de l’expat ou de la femme d’expat » Il se cache souvent derrière le mythe sexy de l’expatriation et pourtant…

Il est souvent difficile d’expliquer ce que représente une expatriation à quelqu’un qui ne l’a jamais vécue. Dans l’inconscient collectif, les expat sont souvent des nantis pour qui tout est super facile… Dans la réalité, les choses sont beaucoup plus complexes. Quitter son pays, ses amis, sa famille, changer d’environnement et de travail… c’est une sacrée mise à l’épreuve. Le sentiment de déracinement est inévitable, au moins dans un premier temps (et peut resurgir plus tard, par périodes) et avec lui, le blues est assez incontournable. Rien de dramatique, il faut savoir  l’accepter et laisser passer les jours un peu difficiles. Attention, il ne s’agit pas de se laisser aller, mais simplement de se laisser un peu de temps. Pour sortir du blues, il est essentiel de sortir de chez soi, de rencontrer du monde et d’avoir des projets.

 3. « Et ton mari, il fait quoi ? »… Quelle expatriée n’a jamais entendu cette petite phrase assassine alors qu’elle pensait être la cible de la question ? Quel est ton avis sur cette situation que tu as sûrement déjà vécue ?

C’est vrai que c’est un grand classique ! Le besoin de mettre les gens dans des cases est un réflexe assez humain. Dans les communautés d’expatriés, comme dans tout groupe en mouvement, les besoins de trouver des points communs et de créer du lien sont très importants. Mais  pour les femmes d’expat, le fait d’être souvent définies par rapport à leur mari (ou à leurs enfants) peut poser plusieurs problèmes, notamment celui de la reconnaissance. Pas évident de se « reconstruire » lorsqu’on est réduite à être « la femme de » ou « la mère de ». Cela fait partie des choses à surmonter, surtout en début d’expatriation. Mais rien n’est insurmontable et surtout, cela peut aussi représenter un moteur pour se lancer dans des projets, professionnels ou personnels… qui seront source de reconnaissance.

 4. «Le taux de divorce chez les expatriés serait 50% plus élevé que chez les couples sédentaires » Seulement des statistiques ou une réalité ?

Je n’ai pas les statistiques exactes, mais il est clair que l’expatriation peut représenter une étape complexe pour le couple, tant les changements voire les bouleversements sont nombreux. Chaque membre de la famille doit retrouver sa place dans un nouvel environnement ; les rôles changent parfois radicalement et l’équilibre peut être déstabilisé. C’est d’autant plus vrai pour les femmes qui ont suivi leur mari, le changement de statut pouvant être vécu douloureusement. Assumer un  statut de « femme au foyer » (au moins dans un premier temps) lorsque l’on a toujours travaillé n’est pas chose facile. Par ailleurs, beaucoup d’hommes sont amenés à voyager régulièrement, et dans certains pays, les tentations sont très présentes. Ensuite, comme pour toutes les étapes de la vie, l’expatriation peut être révélatrice de beaucoup de choses… tant pour soi que pour le couple. La vie est pleine de surprises ! Quand les fondations sont solides, c’est probablement plus facile de faire face aux « bouleversements » de l’expatriation…

5. « Manucure et oisiveté », un cliché qui a la vie dure mais est-ce une fatalité ?

Cliché quand tu nous tiens ! Dans les communautés expatriées, le taux des femmes « ne travaillant pas » étant plus élevé qu’en France (même si cela évolue), certaines femmes d’expat ont un peu plus de temps pour s’occuper d’elles… Mais le cliché de la femme d’expat oisive est, par définition, simpliste et réducteur. Après tout, il n’y a pas de mal à se faire du bien et à vouloir prendre soin de soi… en expat ou ailleurs ! Tant qu’il n’y a pas que ça… parce qu’une manucure ne remplit pas une vie !

 Tes 5 conseils…

 Rencontrez du monde, en sortant de chez vous et en multipliant les occasions de contacts. C’est essentiel pour recréer du lien et parler de votre expérience, être rassurée sur certaines interrogations et échanger les bons tuyaux… bref, c’est bon pour le moral !

Ayez des projets, professionnels ou non. Les possibilités sont (presque) infinies : recherche de travail, formation, création d’entreprise, activités sportives, artistiques ou culturelles, bénévolat… Cela permet de donner du sens à cette période particulière qu’est l’expatriation et par là même  de trouver un équilibre en dehors de chez soi.

Profitez de votre environnement, en visitant et en explorant votre ville, votre pays d’adoption et ses environs. Parce que c’est extrêmement riche, humainement et culturellement… il serait dommage de passer à côté !

Faîtes le point. Comme toutes les étapes de la vie, l’expatriation est l’occasion de se poser, de faire un « bilan », et pourquoi pas de se réorienter et/ou de faire des choses que vous n’avez jamais eu l’occasion de faire… ou jamais osé ! Pour cela, il est essentiel d’identifier ses besoins. Reconnaissance professionnelle ? Implication dans la vie familiale ? On est toutes différentes…

Laissez-vous du temps. Il faut du temps pour reconstruire une nouvelle vie et trouver de nouveaux repères. Certaines n’ont besoin que de quelques semaines quand d’autres mettront un an pour « s’acclimater ». En début d’expatriation, certaines phases sont naturelles et incontournables : euphorie, rejet/saturation, équilibre… dans l’ordre ou dans le désordre, tout est possible !

 Et un petit dernier pour la route… Relativisez. Aujourd’hui, entre l’avion et internet, on n’est jamais complètement isolée et il est facile de garder des contacts partout dans le monde. Ne perdez pas de vue que votre expatriation est choisie (dans l’immense majorité des situations) et représente avant tout une chance… ce qui est loin d’être le cas de nombreuses populations qui subissent des déplacements pour raisons économiques ou politiques…

Merci Delphine et bravo pour ce livre !

Si le sujet vous intéresse, « L’expatriation au féminin » est disponible sur Amazon, Fnac ou aux Editions l’Harmattan et à Dubai Chez Culture & Co et à l’Alliance française.

Cet article a 9 commentaires

  1. Eleonore

    Bonjour
    Merci pour cet article,et pour cette interviews.Je vais me procurer ce livre.
    Dans 3 mois,la chine pour nous en famille.
    Mon mari a est déjà en poste depuis décembre..
    Alors merci pour se blog..extra..

    Eleonore

    1. Mots d'ici et d'ailleurs

      Bonsoir Eleonore,
      Bonne installation en Chine. J’espère que vous vous y plairez et n’hésitez pas, comme le dit Delphine, à penser à VOUS aussi dans votre nouvelle vie ! Merci pour vos gentils mots.

    2. Delphine

      Bonjour Eléonore,
      Profitez bien de cette belle aventure qu’est l’expatriation… Je vous souhaite le meilleur en Chine !
      Delphine

  2. Sandrine

    Bonjour Sylvie et Delphine,
    Merci de partager vos expériences de femmes d’expatrié; je vais sans aucun doute me procurer le livre (est-il disponible au Canada ?), car même si je vis l’expatriation depuis 14 ans, une nouvelle expérience pourrait s’offrir à moi et à ma famille d’ici plusieurs mois…
    Au plaisir de te lire à nouveau, Sylvie sur ton blog!
    Sandrine

  3. Delphine

    Bonjour Sandrine,
    Le livre est disponible sur internet, sur tous les sites de vente en ligne (Fnac, Amazon…) et sur le site de L’Harmattan.
    Bonne chance pour cette nouvelle expérience !
    Delphine

  4. Jade

    Bonjour

    Votre article est très intéressant et très constructif. Seulement je vis la situation inverse , c est moi la femme qui a trouvé un poste d expatriation en Afrique et avec mon mari c est pas si simple pour lui. J ai peur que cette expérience le complexe dans sa position de mari suiveur. Nous avons 2 enfants .normalement c est pour janvier prochain mais il stresse de ne pas trouver un emploi sur place et de devenir homme au foyer. Je culpabilise car je vais vivre une aventure professionnelle alors que lui va se sacrifier pour moi. Pas facile les couples oū c est la femme qui a des fonctions plus élevées que son mari , je ne sais pas comment nous trouverons un équilibre sur place.

    Merci d avance, pour vos conseils .
    Jade

    1. Mots d'ici et d'ailleurs

      SI vous étiez la suiveuse, serait-ce plus facile ? Si vous deviez tout lâcher professionnellement pour suivre votre mari, hésiteriez-vous ? Ce sont ces questions qui doivent vous éclairer pour le choix de votre expatriation. L’expatriation est un tournant dans une vie, une stratégie de couple et de famille à assumer à 2 que ce soit dans le privé que dans le professionnel et que le conjoint suiveur soit mâle ou femelle n’y change rien. Mesurez les avantages et les inconvénients pour chacun d’entre vous et identifiez les objectifs que vous mettez derrière votre expatriation avant de vous lancer.
      Sylvie

  5. norroy

    Bonjour, j’ai trouvé votre blog vraiment « vrai » dans ce que vivre les femmes d’expat avec ces haut/bas! Bon voila, ma question est? même si au fond peut être comme dirais l’autre on a toujours la raison au fond de soi !! Voila nous vivons actuellement au Cameroun(Afrique) depuis 4ans et maintenant des propositions(Dubaï, émirats, Jakarta) s’offres à nous puisqu’on nous voulons changer et je ne sais pas quoi choisir, si vous pouvez me dire comment c’est la vie la bas (en gros)j’ai trois enfants des jumeaux de 12ans et une fille de 13ans ,donc tous au collège et ici l’école françaises est vraiment au top! je veux faire le bon choix! si jamais vous avez des connaissance a Jakarta ,aussi m’intéresse !merci pour tout d’avance ,dans l’attente de vous lire.Dorina

    1. Mots d'ici et d'ailleurs

      La Vie, Norroy, est telle que je la décris ici. Des écoles françaises, il y en a. Elles sont satisfaisantes. Je ne sais que vous dire de plus. Venez faire un tour en vacances pour sentir l’air du pays. ça vous donnera un aperçu !

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