Monastiraki subjectif

2017_05_17_Pittaki_DSC05291Je n’aime pas cette place, trop de monde, trop de bruit, trop d’agitation pour moi. Elle est aux confluents de plusieurs rues étroites remplies de boutiques de bijoux (réels ou de pacotilles, pas facile à dire), de sandales pseudo-grecques et de restaurants qui proposent tous la même chose. Elle est la porte d’entrée du marché aux puces d’Athènes, particulièrement bondé le week-end. Elle a pourtant tout pour elle cette place, des pavés qui font des arabesques, une vieille mosquée qui fait face à une église, la vue sur l’Acropole et même une station de métro. C’est comme ça, je ne l’aime pas, je ne m’y sens jamais à l’aise mais aujourd’hui, je suis posée au milieu de la place Monastiraki. Il fait beau. J’attends depuis quelques minutes une amie. Je savoure ce petit temps suspendu où je n’ai rien à faire mais tout à observer. Pourvu qu’elle n’arrive pas trop vite pour me laisser le temps d’imprimer dans ma rétine tout ce petit monde qui passe et vaque sans me remarquer, moi posée comme un piquet sous le chaud soleil.

C’est un groupe d’adolescents français en voyage d’études avec leur prof qui met d’abord un peu de chaos dans mon champ de vision. Pendant que la dame donne les informations nécessaires au regroupement ultérieur, les jeunes voix s’égosillent allègrement, sans écouter l’heure du rendez-vous sans même parler du lieu. Ils partent bruyamment tout aussi groupés qu’avant alors que le quart d’heure de temps libre vient d’être attribué, sonnant ainsi la fin de la matinée de visite. Dans mon dos, un homme s’escrime à bouger un scooter stationné sur le trottoir. Personne ne s’émeut de ses efforts qui me semblent bizarres autant qu’inutiles jusqu’à ce que je réalise que le deux-roues empêchait le passage du camion-poubelle. Preuve une fois de plus de l’incivilité du parking à la grec dont la devise pourrait être : « y’a de la place, je m’y mets, les autres on s’en fout ». Devant le métro, le marchand de fruit tente les touristes avec les étals de fraises et nombreux sont ceux qui repartent avec, dans un sac en papier, les précieux fruits rouges. Un peu moins « healthy », un couple mange un « gyros » assis sur le rebord devant la petite église et profite d’un des rares endroits où l’on peut s’asseoir sur la place. Ici, pas de bancs, ni d’ombre d’ailleurs, juste le gris du béton qui renvoie la chaleur. Si l’on veut un siège, il faut trouver une chaise en terrasse mais ici, rien de vraiment charmant, l’endroit est urbain et grouillant. Pour la petite taverne tranquille, mieux vaut s’éloigner un peu. Trois jeunes filles passent, elles secouent leurs cheveux dans le vent léger, leurs tee-shirts sont un peu trop courts selon mes critères de maman d’adolescente mais elles sont jolies comme tout. Elles rient, parlent fort, le portable à la main, s’arrêtant pour faire au bout de quelques pas un selfie qui rejoindra sûrement un compte Instagram puisqu’il paraît que Facebook est désormais pour les vieux. Un homme grand et dégingandé, des dreadlocks jusqu’aux fesses, traverse devant moi. Il marche nonchalamment, comment se déplacer autrement avec un look pareil ? Je me demande si ses cheveux pèsent lourd et s’ils lui tiennent chaud, moi qui trouve que ma propre chevelure est déjà bien calorifique. Le Marché Central, cette institution athénienne, n’est pas loin et des mamies en reviennent avec leurs courses. Celle-ci par exemple, vêtue de noir, comme souvent ses consoeurs, avance, le pas ralenti par les sacs qui lui tirent les bras. Doucement je la vois disparaître dans la station de métro. Contrastant avec la démarche hésitante de l’ancêtre, deux hommes traversent la place. Il fait trop chaud pour le sempiternel survêtement que semblent adorer les Grecs. Ils sont en short et débardeurs, de ceux qui montrent des muscles chers payé à coup de poudre de protéines et de soulevé d’haltères. La démarche est fière, la cuisse hypertrophiée, le biceps expansé et le cou celui d’un taureau. Chacun ses standards de beauté… Juste derrière eux arrive une jeune fille, elle porte une petite robe aux épaules nues. Elle est charmante et elle minaude, offrant ses sourires à droite et à gauche, balançant en un mouvement visiblement étudié ses avantages physiques. Pourtant, personne ne semble lui prêter attention, seule, comme moi, au milieu de la foule. Un cycliste, tenue flamboyante rouge et synthétique, passe avec son engin. Je l’admire d’oser se lancer dans les rues d’Athènes où la voiture exerce un pouvoir dictatorial, tyrannique et autoritaire. Une famille, chacun avec son cornet de glace, devise gaiement en se dirigeant vers une ombre lontaine. les enfants sautillent, la mère se tient aux aguets, prête à dégainer la serviette pour essuyer une coulure sucrée sur le visage d’un bambin. Soudain, mon amie est là, je m’extirpe de mon observation. Nous abandonnons l’effervescence pour les rues anonymes avoisinantes. Le calme revient autour de moi, en moi… Non décidément, je ne l’aime pas cette place mais elle n’est pas rancunière, j’ai eu droit à une petite tranche de vies.

PS : ce n’est évidemment pas une photo de Monastiraki 😉

 

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