Retour sur les planches

Nous avions testé, au cours du mois de décembre, lors des premières chutes de neige, nos raquettes fraîchement acquises. Balades paisibles, neige poudreuse et vues sur le lac. Nonobstant le bruit de plastique en souffrance fait par les engins et le look peu séduisant conféré par l’objet (je vous laisse découvrir à quoi cela peut ressembler ici), l’expérience était plus que validée. Nous nous sommes donc promis de la renouveler au cours de l’hiver. Oui, mais bien évidemment, hors de question de s’arrêter là ; il fallait passer à l’étape suivante : le ski. En Suisse, il est INCONCEVABLE de ne pas skier.

Les puristes ne jureront que par le ski de randonnée mais soyons réalistes : dans mon cas précis, c’est totalement inenvisageable sauf à vouloir, délibérément, mettre en danger, d’une part, mon intégrité physique et, d’autre part, ma fierté (pour peu que j’en ai une dans le domaine du ski). Contentons-nous pour le moment du banal ski alpin. Le Mâle, lui, ira attaquer les sommets à peaux de phoque avec des compagnons plus alertes et desquels il ne risque pas de divorcer en cas de désaccord affirmé concernant la faisabilité technique d’une descente.

Tout à notre adaptation helvétique, nous avions anticipé ce moment en ayant dévalisé, dès novembre, les magasins de sports pour racheter des tenues chaudes et imperméables et louer skis et autres accessoires à la saison. J’avais bien indiqué, avec précision, au loueur mon niveau de ski « moyen moins, ascendant marmotte boiteuse » pour avoir du matériel au top. Tout était donc prêt ! Une fois la neige tombée, la météo vérifiée (c’est le boulot du Mâle), la station choisie (celle avec le plus de remontées ouvertes dans la région), nous avons chargé matériel et ado en direction de Villars-Gryon-Les Diablerets. Le soleil n’était pas prévu mais aucune intempérie n’était annoncée et la température était clémente.

Les pistes du côté de Gryon

Récit de notre première journée de ski en Suisse.

8h45 : à l’aube, cap sur la montagne. L’ado, réveillé un samedi matin avant 8h00, est bien évidemment ravi. Je suis guillerette. J’ai bien le bon nombre de couches de vêtements (3 minimum, c’est la règle), en ai rajouté une pour être sûre, pris le masque de ski qui me faire ressembler à une mouche, le casque qui nous fait tous ressembler à des champignons : je suis superbe (une mouche-champignon donc). Les skis sont chargés, yallah !

9h30 : arrivée dans la station. C’est cool, le trajet est court. Il faut maintenant trouver le parking, à proximité de la télécabine. Les indications sont chiches. Un premier parking (complet) ; des individus porteurs de ski se déplacent avec allégresse en direction d’un train vert qui, selon toute vraisemblance, doit les mener vers les pistes. Nous continuons au hasard la route qui semble s’éloigner de la station et finissons par trouver un parking amical. Nous sommes, sans le vouloir, à l’extrémité du domaine skiable et 200m à pied de la télécabine. « Oh, ça va, c’est pas loin ! ».

10h00 : il faut acheter le forfait. Facile, pour cela, il suffit de vendre un rein, un bras ou un enfant. Et encore, nous ne sommes pas dans une station très réputée. Une fois, le Mâle remis de ses émotions financières, nous nous plaçons dans la queue pour la télécabine. Vingt minutes plus tard, nous survolons la montagne,

10h30 : il faut chausser les skis et attaquer la première descente. Pendant que le Mâle examine le plan des pistes et les connexions au sein du domaine, j’essaie de rappeler à mon corps toute la technique maîtrisée connue pour descendre une piste. Je me concentre sur mon moto : ne surtout pas prendre trop de vitesse, histoire de maîtriser trajectoires et surtout arrêt. Pour la virtuosité, cela fait longtemps que j’ai abandonné tout espoir.

10h40 : première descente effectuée, gestion totale. OK, ça va, j’avoue : c’est une bleue, de celle qu’empruntent les écoles de ski avec les débutants. Nous ne sommes pas seuls, rapport au fait que c’est le premier week-end de vraie neige de la saison.  Nous sommes doublés de toute part par des bolides, les plus vexants étant bien entendu les enfants de 5 ans qui skient mieux que moi.

10h50 : Nous continuons en enchaînant les pistes bleues, rapport à l’ado qui n’est pas au niveau de ses compatriotes suisses, sur les planches depuis leur plus jeune âge. Moi, ça me va bien aussi, j’avoue encore. Je suis cette skieuse que tout le monde déteste : celle dont la trajectoire, la plus large possible, ondule de part et d’autre de la piste. Pas trop vite, surtout pas trop vite… On descend, on remonte, on descend, on remonte. Les arrêts sont fréquents, l’ado galère un peu et le Mâle donne des conseils techniques, sa patience s’amenuisant au fil de la journée. Je compatis avec la chair de ma chair, parfois bien hésitante devant une bosse malencontreusement placée et les plaques de glace vicieuses. L’ado râle. Je commence à en avoir plein les spatules, moi aussi, mais je me tiens coite. Le Mâle, avec son niveau de bouquetin alerte, se fait consciencieusement suer mais assume son rôle de patriarche pédagogue.

13h00 : enfin la pause au snack. La salle est bourrée à craquer mais le service est performant. Heureusement ! Après un burger et quelques frites, le sourire revient sur les traits de l’ado qui revit.

13h30 : Après le déjeuner, la visibilité s’est dégradée, j’ai l’impression d’évoluer dans une sorte de grand coton blanc mêlant sol et ciel. Malgré mon masque de mouche, je n’y vois que pouic. Comme je peine à anticiper mes fameuses trajectoires, le Mâle me dit « fais confiance à tes jambes quand tu ne vois pas ». Euh, mes jambes ne sont visiblement pas au courant de leur nouvelle responsabilité. Je galère mais je me tais, rapport à ne pas surstimuler l’ado qui n’est pas particulièrement au sommet de la joie.

15h00 : après toutes ces émotions, il est temps de rentrer et pour cela, il faut emprunter, à mon grand dam, les pioches. Les pioches, c’est un type de remontée inventée par un ingénieur démoniaque qui a voulu rentabiliser le tire-fesses en se disant « tiens si j’en mettais deux sur chaque perche ». Les pioches et moi, on a eu un différent de taille (je le racontais ici), prétexte à une chute dans laquelle j’ai perdu ma dignité mais gagné un fou rire mémorable. J’ai donc une petite appréhension à réemprunter l’objet. Afin de ne pas compromettre la réussite de la pioche pour mon ado, je le laisse remonter ave le Mâle et emprunte l’outil en solitaire. À mon grand soulagement, l’instrument ne se cabre pas, aucune bosse malencontreusement placée, je parviens en haut sans encombre. Ouf, Sylvie 1/ pioche 0.

16h00 : dans les dernières descentes, mes muscles m’indiquent que l’on est clairement sur un excès sportif. Je choisis de les ignorer. Mes genoux se joignent à eux dans ce concert de récriminations. Il est temps de rentrer.

16h30 : en bas de la télécabine, c’est le moment du retour au parking. Quelqu’un a dû reculer le parking en notre absence, 200m de trajet, ressenti 2 km ! Ce n’est plus une marmotte boiteuse qui se déplace mais une tortue cul-de-jatte. J’ai mal aux tibias, mes cuisses sont aux abonnés absents, les skis pèsent 40 kg. J’arrive à la voiture, à moitié décédée. Le Mâle me demande pourquoi j’ai mis autant de temps. Je ne peux pas répondre : je rassemble mes forces pour enlever mes chaussures. Moment d’extase lorsque cet objectif est atteint. Je revis des mollets. Je me hisse monte dans la voiture. L’ado s’affale sur la banquette arrière, heureux de voir ces épreuves enfin terminées.

À quand la prochaine journée ?… Inch allah, on verra !


PS : Quelques détails d’organisation

Villars-Gryon-Diablerets : carte des pistes.

Prix du forfait adulte journée : 63 CHF (domaine Villars-Gryon Diablerets).

Parking : Gryon – Parking BARBOLEUSE

Télécabine de départ : La Barboleuse (autres télécabines possibles : télécabine du Roc d’Orsay, depuis Villars, Diablerets Express depuis les Diablerets).

Cette publication a un commentaire

  1. Christelle Marbach wurms

    Heureuse de te lire de nouveau toi et vos trépidantes aventures

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