Les enfants sont partis à l’école et le Mâle est parti gagner sa croûte. Le calme est revenu dans la maison. Dans la rue, j’entends la litanie incompréhensible pour moi du haut-parleur du vieux pick-up qui passe régulièrement pour récupérer les objets mis au rebut, une déchetterie mobile en somme. Je pointe le nez dehors pour tâter la température de l’air. Nous sommes au mois d’octobre mais j’ai encore les bras nus. Frileuse comme toujours, je prends malgré tout une petite veste même si je sais pertinemment que dans 1h, j’aurais bien trop chaud avec. Sur le trottoir, je croise un couple d’un certain âge, en survêtement et baskets, qui fait sa marche matinale en refaisant le monde. En face de moi arrive une dame qui promène son chien et, vue la taille du bestiau, j’ose espèrer qu’elle a un sac à déjections canines de taille conséquente. Un peu plus loin, près des poubelles, c’est toute une portée de petits chats qui se fige à mon approche avant de détaler retrouver la protection maternelle, une femelle grosse comme un haricot mais qui me regarde comme si elle était un tigre prêt à me bondir à la gorge. Avant de traverser, je regarde avec attention car ici le piéton est quantité négligeable, je laisse passer quelques motocyclistes dont le casque protège avec beaucoup d’efficacité le poignet et je me presse pour éviter de me faire klaxonner par un taxi jaune comme toujours très pressé. Une yiayia passe en tirant son trolley rempli à ras bord car c’est jour de marché. Elle est évidemment au milieu de la route car les arbres prennent toute place sur sur le trottoir. Aux abords du centre-ville, une jolie élégante en robe et escarpins me double, en portant sa dose de caféine sous forme d’un gobelet de Frappé. Il y a de fortes chances qu’elle le sirote une bonne partie de la journée dans sa voiture comme au bureau. Ceux qui ont davantage de temps prennent un freddo au café d’à côté, en terrasse comme toujours avec (trop) souvent la clope au bec. En me rapprochant du métro, je vois remonter ceux qui viendront faire tourner l’économie dans ce quartier. Il y a là de tout avec de la vendeuse surmaquillée, de l’employé de banque au cartable ou de la jeunesse un peu branchée. Dans la rame de métro, un type un peu patibulaire fait la manche avec insistance. Un peu échaudée par quelques expériences vécues ou racontées par des proches, je me cramponne à mon sac à main, histoire de ne pas commencer la journée par une déclaration contrariante au commissariat. Le métro est en grande partie aérien et par les vitres défilent des immeubles pas toujours reluisants et les tags qui ornent les murs des banlieues d’Athènes. Dans le centre d’Athènes, les badauds attendent avec impatience la relève de la garde devant le Parlement, sur la place Syntagma. Le militaire en treillis en faction à côté des Evzones a fort à faire pour empêcher les touristes de faire les singes avec ses camarades qui montent la garde, absolument immobiles quelles que soient les conditions. Néanmoins, son regard et son attitude sont suffisamment éloquents et convainquants pour empêcher, sans rébellion aucune, toute tentative un peu saugrenue. Sur la place, les vendeurs ambulants raccolent les passants avec des ballons ou des selfies-sticks qui semblent tombés d’un camion. À côté des touristes à casquette qui attendent de traverser les grandes avenues bruyantes, il y a aussi des cadres bien habillés et des dames avec des lèvres un peu trop pulpeuses pour être vraies. Il faut dire que c’est le quartier des ambassades et Kolonaki, le quartier chic, est à deux pas avec ses magasins de luxe et ses fourrures qui attendent les frimas de l’hiver. L’Acropole n’est plus très loin et la foule se densifie. J’essaie de me persuader que je me distingue de cette flopée de visiteurs qui ne verront de la Grèce que le Parthénon et une ou deux îles des Cyclades mais, malheureusement, mon appareil photo me range directement dans la catégorie touristes. Au même titre que mes congénères, en vacances eux, je me fais alpaguer par les restaurants pour aller manger un souvlaki hors de prix ou une salade aux tomates un peu trop pâlotes. Évidemment, j’ai trop chaud alors je m’arrête au kiosque, le Periptero, pour acheter une bouteille d’eau, exposée entre les briquets, les paquets de chips et les komboloïs, ces sortes de chapelets. Je laisse de côté l’Acropole et j’ignore tous ces magasins qui vendent à prix d’or les mêmes olives que celles que je trouve au supermarché près chez moi ou des cuillères en bois soi-disant d’olivier, fabriquées on ne sait où. J’avance, un peu au hasard dans Anafiotika, dans les petites rues où justement il n’y a pas de commerces mais des volets ombragés par des bougainvillées, des tables un peu rouillées et des plantes aussi faméliques que les chats qui se cachent derrière les pots. De temps en autre, des rumeurs de civilisation me parviennent aux oreilles. Je flâne, je me faufile, je me mets dans des positions improbables pour trouver, au travers de mon appareil photo, le petit détail, le joli, le beau, l’insolite qui donne, plus que l’Acropole, son cachet à cette ville dans laquelle j’habite désormais. Poussée par la faim, je me dégote un koulouri dans une boulangerie en me promettant que la prochaine fois, je visiterai un autre quartier, Gazi peut-être ou Keramikos qui sait, pour compléter le portrait tout à fait personnel que je me construis d’Athènes.
Athènes, moments volés
- Publication publiée :6 octobre 2016
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