A… Arabe

J’avais loupé le coche palanquin du chinois, j’ai décidé que je ne raterais pas la caravane (de chameaux évidemment) de l’arabe. En Péninsule Arabique, je vivais, en arabe je parlerais… Yalla1, c’est parti, je me suis lancée dans les cours de langue et suis repartie à l’école, pas celle du soir, mais celle du matin, taï-taï life et charge d’âmes enfantines l’après-midi obligent. Avec mon cahier vierge, mon stylo, mon fluo (rose évidemment) et mon livre qui s’ouvre à l’envers, je suis partie pleine d’allant apprendre la langue locale pour découvrir au fur et à mesure  que j’allais en baver des ronds de chapeaux, pire qu’un chameau (hiiii…) sur la ligne d’arrivée de la course !

Raison 1 :  les sons
Le Français moyen est super au point sur les voyelles grâce à la maîtrise des mulitples diphtongues de sa langue d’origine (ai-, ei-, oi-, ou- etc…) MAIS MAIS MAIS il galère de sa race avec les R qui se roulent, se gutturent ou se râclent ; avec les H qui se soufflent à peine ou s’expectorent ; avec les S/Z qui se susurrent, se sifflent, se « th »-anglicisent ou se zézaient ; avec des lettres qui ne sont pas des bruits mais des pauses venues couper un mot tel un apostrophe et qui, malgré leur silence, doivent venir de la gorge. Il paraît que l’accent français est craquant en anglais, espérons donc qu’il en soit de même en arabe… Yaa rayt2 !

Raison 2 : les dialectes
Kawa, Chouf3, souq ou flouze, l’arabe a donné au français populaire quelques mots. Toujours ça de gagné mais, à part ça, rien pour se rattraper aux branches de l’acacia et se rappeler du vocabulaire par quelques astuces éthymologiques. Grec ou latin sont impuissants pour identifier les mots inconnus et il n’y a que la mémoire pour se rappeler. C’est pas la Burj Khalifa à escalader me direz-vous MAIS MAIS MAIS, pour un mot, il y a quasiment 2-3 options possibles. L’Arabe du Golfe dit « amms » pour le mot « hier » alors que le Libanais dira « imbareH » ; l’Egyptien dira « Yemken » pour « possible » alors que d’autres pays diront « mumkin »… Et la liste est sans fin, aussi longue d’un jour sans dattes et, même si l’on peut se contenter d’apprendre le plus simple, mieux vaut, dans un taxi savoir que « tout droit » peut se dire « ala Tuwl »ou »sidya » sinon aucune chance d’arriver à bon port.

Raison 3 : l’arabe classique

Non seulement, les différents pays arabes ne parlent pas tout à fait la même langue en terme de vocabulaire MAIS MAIS MAIS aussi l’arabe standard moderne/parlé est différent de l’arabe classique, qui est l’arabe des lettrés, celui utilisé dans toutes les situations officielles ou formelles (discours, journaux etc…). Et aux variations de mots de la raison 2, on peut donc rajouter, si l’on est masochiste ou particulièrement désoeuvré, la version classique qui s’écrit différemment. Khalas4, aucune chance que je me mette à étudier l’arabe littéraire…

Raison 4 : l’écriture
Un point positif pour l’écriture arabe : elle utilise un alphabet (28 lettres) ce qui, après la cuisante expérience du chinois et des idéogrammes, facilite les choses. Comme en français, il y a des voyelles (A, I, OU) longues  et des « accents » qui indiquent ces mêmes voyelles mais sous leur forme courte. Dit comme ça, c’est pas la mer d’Arabie à boire MAIS, MAIS, MAIS un petit détail ne facilite pas la vie des débutants. Ayant appris mon alphabet avec assiduité, je lis en annônant avec aisance  متزوج. Je me concentre et ça donne :  mtzwj ! Pas facile à prononcer hein ? En réalité, il s’agit de : mutazawij = marié. En effet, l’arabe moderne écrit, celui que l’on trouve dans les situations de tous les jours, n’indique pas les accents et ne sont écrites que les consonnes et les voyelles longues, partant du principe que de toute façon, le lecteur connaît le mot et saura le retrouver que par ces consonnes. Je vous laisse donc imaginer ma tête lorsqu’après 3 min de déchiffrage laborieux, je finis par comprendre que le mot que je lis, [sbmkt], est subermarket5 ou que [flm] est un film. SAHH6 .. Grands moments de solitude linguistique donc…

Raison 5 : le pays
Nous sommes dans les UAE, la langue officielle est l’arabe, pas de doute MAIS, MAIS, MAIS, la proportion d’expatriés de tous horizons étant importante, tout le monde parle anglais, voire français, voire les 2 plus éventuellement l’arabe ! Parler l’arabe avec un boulet de débutant comme moi qui maîtrise à peine les salutations, sait demander du thé ou où sont les toilettes tout cela sur un rythme de fennec asthmatique, c’est juste une punition pour n’importe quelle personne dont l’arabe est la langue maternelle. Parler arabe est donc une gageure car, par souci de rapidité ou pour ne pas embarasser  quelqu’un en difficulté linguistique, le switch vers l’anglais est quasi automatique et inévitable…

Malgré tout cela, j’aime beaucoup l’arabe qui satisfait mon esprit psychorigide cartésien avec des règles de grammaire  bien établies, non sans rappeler la construction parfois un peu tordue du français. Capter quelques mots dans les conversations des passants est toujours une petite victoire, un petit plaisir et une immersion un peu plus profonde dans la culture ! Et puis si des lecteurs dubaiotes et arabophones voulaient bien papoter (enfin pas longtemps) avec moi, n’hésitez pas, vous risquez de rigoler un bon coup de mes tâtonnements ! Mumtaz7 !

1) Yalla : allez !
2) Yaa rayt ! : j’espère !
3) Chouf : regarder
4) Khalas : fini
5) non, je n’écris pas avec l’accent allemand mais il n’y a pas de « p » en arabe, toujours remplacé par un « b » dans les mots étrangers qui se sont incrustés dans la langue tout comme il n’y a pas de « V », remplacé par le « F » ce qui donne un élégant « Silfiy » pour mon prénom.
6) SaHH : correct
7) Mumtaz : Excellent

PS : je prends mes cours d’arabe au Arabic Language Center (Dubai World Trade Center).

Cet article a 3 commentaires

  1. elisabeth

    Pour avoir lu et écrit le grec moderne, je comprends ta solitude à certains moments Oh! Un chameau passe! Le chameau remplaçant l’ange auquel ils ne croient pas sous tes latitudes et c’est ainsi que l’on comprend pourquoi la lecture du Coran donne lieu à des interprétations aussi différentes, chacun mettant sa voyelle préférée, la langue devenant une vraie auberge espagnole
    Chacun y va de sa voyelle, dirigeant ainsi la discussion dans le sens désiré, c’est à dire là où l’ange non le chameau passe pour les pauvres infidèles que nous sommes

  2. Manuel Carrillo

    Muy interesante, esta primera lección de árabe como se habla en la Unión de Emiratos Arabes, aunque faltó citar el nombre del Emir que dirige Dubai. Eso será para la próxima lección que espero con ansia. En todos los Emiratos de la Unión se habla el mis árabe ? En todo caso, mil gracias por ahora y que sigan llegándonos esos sabrosos comentarios. Xiao Ché

    1. Mots d'ici et d'ailleurs

      Viel danke aber Ich kann nicht Deutsch sehr gut sprechen !Auf wierdesehen !

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